Recueil et traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte

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La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin 2 ») institue un statut protecteur pour le lanceur d’alerte, commun à l’ensemble des domaines d’activités de la vie économique. Elle définit ce qu’est un lanceur d’alerte, les conditions de recevabilité et les modalités de traitement de son alerte, ainsi que les différentes protections dont il bénéficie. Les procédures à mettre en place par toute personne morale de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante agents ou salariés sont précisées par le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l’Etat.

La présente instruction détaille le cadre juridique général applicable (1), ainsi que le dispositif mis en place au sein de Pôle emploi en vue du recueil et du traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte (2).

Ce dispositif vise à garantir un traitement rapide et efficace de ces signalements, la confidentialité des informations recueillies, ainsi que de l’identité des lanceurs d’alerte et des personnes le cas échéant concernées. Au-delà, il s’agit pour Pôle emploi de faire de l’exploitation des signalements un levier de progrès, en identifiant les causes d’éventuels dysfonctionnements et en y apportant les réponses appropriées. 

Partie 1. Cadre juridique général

1. Champ d’application

1.1. Notion de lanceur d’alerte

La loi du 9 décembre 2016 définit le lanceur d’alerte comme une personne physique qui révèle ou signale des faits répréhensibles (article 6).

Il peut s’agir d’un agent de Pôle emploi ou d’un collaborateur externe ou occasionnel de Pôle emploi (consultant, partenaire, prestataire ou fournisseur…). La procédure n’est en revanche pas ouverte aux usagers, en particulier aux demandeurs d’emploi. Le fait que le lanceur d’alerte soit une personne physique exclut par ailleurs que des instances, par exemple les instances représentatives du personnel, recourent à ce dispositif.

Afin que l’alerte soit recevable, l’auteur du signalement doit en outre remplir trois conditions :

  • être désintéressé : l’auteur du signalement ne doit pas retirer un avantage financier ou matériel de l’alerte et son objectif ne doit pas être uniquement de régler sa situation individuelle ;
  • être de bonne foi : l’auteur du signalement doit avoir une croyance raisonnable dans la véracité des faits qu’il rapporte au moment où il les rapporte et ne doit pas agir dans le but de nuire à une ou plusieurs personnes ou, plus généralement, à Pôle emploi ;
  • avoir eu personnellement connaissance des faits allégués : sont ainsi exclues les informations issues de ouï-dire ou les simples suppositions.

1.2. Faits susceptibles de faire l’objet d’une alerte

Pour être recevable, l’alerte doit se rapporter à l’organisation, au fonctionnement ou aux activités de Pôle emploi et concerner :

  • un crime ou un délit ;
  • une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement ;
  • une violation grave et manifeste d’un texte de valeur législative ou réglementaire ;
  • une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général.

Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de la loi, les faits susceptibles de faire l’objet d’un signalement doivent présenter un certain degré de gravité, qui justifie la protection particulière de son auteur.

2. Procédure de signalement

La loi du 9 décembre 2016 oblige l’auteur du signalement à suivre, sauf en cas de danger grave et imminent ou risque de dommages irréversibles, une procédure comportant trois étapes successives (article 8) :

  • l’auteur du signalement doit dans un premier temps porter son alerte en interne, auprès de son supérieur hiérarchique direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par l’employeur, selon le dispositif mis en place. Le dispositif de recueil de signalements retenu par Pôle emploi est décrit dans la partie 2 de la présente instruction;
  • en l’absence de diligences de l’employeur pour vérifier la recevabilité de l’alerte dans un délai raisonnable, l’auteur du signalement peut, dans un deuxième temps, saisir l’autorité judiciaire ou administrative ou l’ordre professionnel compétent ;
  • à défaut de traitement par l’autorité saisie dans un délai de trois mois, l’auteur du signalement peut le rendre public.

A tout moment, l’auteur du signalement a la possibilité de solliciter le Défenseur des droits afin qu’il l’oriente vers l’organisme compétent pour recevoir son signalement.

Le fait de faire obstacle à la transmission d’un signalement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (article 13).

3. Protection du lanceur d’alerte

3.1. Conditions préalables

La loi du 9 décembre 2016 instaure une protection renforcée pour le lanceur d’alerte sur le plan pénal (article 7), ainsi que contre d’éventuelles réticences ou représailles de l’employeur (article 10).

Pour bénéficier de cette protection, l’auteur du signalement doit s’inscrire dans le cadre fixé par la loi :

  • il doit répondre à la définition légale du lanceur d’alerte (cf. point 1.1 de la présente partie) ;
  • il doit dénoncer un ou plusieurs faits prévus par la loi (cf. point 1.2 de la présente partie) ;
  • la procédure de signalement en cascade doit avoir été respectée (cf. point 2 de la présente partie). 

3.2. Etendue de la protection

3.2.1. Irresponsabilité pénale

L’auteur du signalement n’est pas pénalement responsable si, pour procéder à son alerte, il porte atteinte à un secret protégé par la loi, notamment en cas de violation du secret de la vie privée. Cette protection ne vaut toutefois que dans la mesure où la divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause.

3.2.2. Interdiction des mesures discriminatoires ou disciplinaires

L’auteur d’un signalement ne peut être écarté d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou d’une formation du fait du signalement qu’il a effectué. De même, il ne peut faire l’objet d’une sanction, d’un licenciement ou d’une mesure discriminatoire (directe ou indirecte) du fait de ce signalement.

En cas de litige sur une décision prise à l’encontre de l’auteur du signalement et si celui-ci démontre qu’il a agi de bonne foi et dans le cadre de la procédure instituée par la loi, c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver qu’il s’est fondé sur des éléments objectifs étrangers à son alerte.

3.3. Limites de la protection

L’utilisation abusive du dispositif d’alerte expose l’auteur d’un signalement à des sanctions disciplinaires. Ce sera notamment le cas d’une personne qui, de mauvaise foi, dénonce des faits qu’elle sait erronés. L’auteur du signalement s’expose également à des poursuites judiciaires pour diffamation ou dénonciation calomnieuse.

En revanche, et même si les faits dénoncés se révèlent par la suite inexacts ou ne donnent lieu à aucune suite, l’utilisation de bonne foi du dispositif ne peut exposer l’auteur du signalement à des sanctions.

Partie 2. Dispositif de recueil et traitement des signalements mis en place à Pôle emploi

Les modalités de mise en œuvre au sein de Pôle emploi du dispositif prévu par la loi du 9 décembre 2016 sont les suivantes.

1. Présentation du dispositif

1.1. Désignation d’un référent national

Un référent national, rattaché à la direction de la maîtrise des risques (DMR), est chargé de la réception et de l’enregistrement des signalements, du suivi des investigations nécessaires et de la gestion de la documentation afférente.

Il est l’interlocuteur de l’auteur du signalement dès la réception de son alerte, tout au long de son traitement et au-delà.

1.2. Modalités de saisine du référent national

Une messagerie dédiée est mise à la disposition des agents sur l’Intranet afin de recueillir leurs signalements. Lorsque l’agent utilise sa boîte mail professionnelle pour effectuer un signalement, les messages comportent dans leur objet la mention « Personnel et confidentiel » pour le signalement et les échanges ultérieurs qui en découlent.

Les collaborateurs externes ou occasionnels de Pôle emploi (consultants, partenaires, prestataires, fournisseurs…) adressent leurs signalements par voie postale, sous double enveloppe, à l’adresse suivante : Pôle emploi - Direction du management des risques et de la sécurité - 1 avenue du Docteur Gley - 75987 Paris Cedex 20. Le pli postal contient une enveloppe intérieure scellée à l’attention du référent national, sur laquelle sont portées les mentions : « Confidentiel » et « Ne pas ouvrir ». L’auteur d’un signalement indique à cette occasion au référent national les modalités selon lesquelles il souhaite être contacté et les coordonnées pour ce faire.

S’il en dispose, et quelle qu’en soit la forme et sur quel que support que ce soit, l’auteur du signalement joint tout document ou information de nature à étayer le signalement.

1.3. Examen de la recevabilité du signalement

Le référent national informe sans délai l’auteur du signalement de la réception de son alerte, ainsi que du délai raisonnable et prévisible nécessaire à l’examen de sa recevabilité. Il lui indique les modalités selon lesquelles il sera informé des suites données.

Le réfèrent national s’assure de la recevabilité du signalement en vérifiant que l’alerte s’inscrit dans le cadre de la loi. Il s’appuie pour cela sur une commission constituée, outre de lui-même, de la directrice du management des risques et de la sécurité, de la directrice des affaires juridiques et de la responsable du département juridique et relations sociales au sein de la direction des ressources humaines et des relations sociales (DRHRS). L’auteur du signalement est informé par le référent national de la recevabilité ou non de son alerte.

1.4. Traitement du signalement

Selon la nature et la complétude des éléments fournis par l’auteur du signalement, la commission peut décider de la conduite d’investigations complémentaires qu’elle confie, soit au réfèrent national, soit à des services  internes (ressources humaines, fraudes, audit…), soit à des experts externes.

Le référent national suit le déroulement des investigations en étant garant de la diligence avec laquelle elles sont conduites. Les services et/ou les experts externes sollicités fournissent un rapport en fin d’investigations sur leur champ d’intervention. Ce rapport est remis au référent national, accompagné des documents et informations recueillis dans le cadre des investigations.

Sur la base du ou des rapports de fin d’investigations et des documents recueillis, et après échange au sein de la commission mentionnée au point 1.3 de la présente partie, les conclusions du référent national sont transmises au directeur général adjoint en charge de la maîtrise de risques et au directeur général adjoint en charge des ressources humaines et des relations sociales, ainsi que, si la gravité du signalement le justifie, au directeur général, pour décision quant aux suites à donner (transmission aux autorités judiciaires ou administratives, sanctions disciplinaires conformément aux délégations en vigueur, classement sans suite…). L’auteur du signalement est informé par le référent national des suites données.

1.5. Articulation avec les autres dispositifs existants

Le dispositif de recueil des signalements mis en place en application de loi du 9 décembre 2016 coexiste avec les autres dispositifs de signalement en vigueur au sein de Pôle emploi qui ont leurs finalités propres et s’appuient sur des outils adaptés de remontée, notamment :

  • les signalements liés au document unique :
    • agressions verbales, agressions physiques, agressions comportementales, incivilités, accidents, incidents impactant les locaux et les biens (via les fiches de signalement) ;
    • signalements liés aux risques psycho-sociaux : conflits, harcèlement moral ou sexuel, tentative ou menace de suicide, mal-être au travail ;
  • les signalements liés aux suspicions de fraudes internes ou externes.

Pour certains faits, les agents peuvent donc disposer de plusieurs dispositifs de remontée auxquels peuvent être associées des protections spécifiques.

2. Confidentialité de l’identité des personnes et des informations

2.1. Mesures garantissant la confidentialité

Dans le cadre du recueil et du traitement des signalements émis par des lanceurs d’alerte, Pôle emploi est tenu d’assurer la stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement et des personnes visées par ce signalement, ainsi que des informations recueillies (article 9). En application de ces dispositions, l’identité de l’auteur du signalement n’est connue, sauf consentement de celui-ci, que du réfèrent national. Des éléments permettant d’identifier les personnes mises en cause ne peuvent par ailleurs être divulgués qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte. Toutefois, Pôle emploi peut, à tout moment, décider de porter ces éléments à la connaissance de l’autorité judiciaire.

Afin de garantir cette confidentialité, le réfèrent et les membres de la commission sont soumis à une charte de déontologie précisant le cadre de leur mission.

Dans le cas où les investigations sont conduites en interne, les agents participant aux investigations interviennent sous couvert d’une lettre de mission précisant le cadre de leurs actions et les règles de déontologie à respecter tout au long de la procédure et après la remise de leur rapport d’investigations. A ce titre, ils doivent :

  • faire preuve d’objectivité, de neutralité, d’indépendance et d’honnêteté dans le traitement des signalements. En cas de conflit d’intérêts, ils doivent en avertir leur hiérarchie ;
  • utiliser des méthodes et moyens d’investigation légaux, pertinents et proportionnés ;
  • assurer la stricte confidentialité des faits, paroles et informations qui leur sont rapportés et ne conserver aucun élément après transmission du rapport d’investigations.

Lorsqu’il est fait appel à des experts externes, aucune donnée à caractère personnel ne leur est transmise. Ils sont également tenus à une obligation de confidentialité s’agissant des informations communiquées.

2.2. Gestion documentaire

La gestion documentaire et l’archivage sont assurés par le référent national. Trois situations doivent être distinguées :

  • en cas d’irrecevabilité du signalement, les pièces du dossier sont immédiatement archivées après anonymisation, ce pendant un an, puis elles sont détruites ;
  • en l’absence de suites après investigations, les pièces du dossier sont, dans un délai de deux mois à compter de la décision de ne pas donner suite, archivées après anonymisation pour une durée de trois ans, puis détruites ;
  • lorsque des suites sont données, les pièces du dossier sont conservées jusqu’au terme de la procédure.

3. Protection des données personnelles

Un traitement automatisé de données à caractère personnel est mis en œuvre par Pôle emploi afin de traiter les signalements émis par des lanceurs d’alerte en application de loi du 9 décembre 2016.

Celui-ci fait l’objet de la part de Pôle emploi d’un engagement de conformité à l’autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de dispositifs d’alerte professionnelle (AU-004), arrêtée par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) par délibération n° 2017-191 du 22 juin 2017. Il répond aux conditions fixées par cette autorisation.

4. Modalités de communication auprès des agents et collaborateurs

Les agents sont informés de l’existence du dispositif et y ont accès via la page d’accueil de l’Intranet.

Un encart sur pole-emploi.org à destination des collaborateurs extérieurs ou occasionnels de Pôle emploi précise l’organisation mise en place à leur égard, notamment les modalités de transmission de ces alertes externes (cf. point 1.2. de la présente partie).

Jérôme Rivoisy
directeur général adjoint
maitrise des risques

Jean-Yves Cribier
directeur général adjoint
ressources humaines et relations sociales

Information complémentaire

Remplacée par l'instruction n° 2022-23 du 10 novembre 2022 publiée au Bulletin officiel de Pôle emploi n° 2022-78 du 24 novembre 2022.